
Dans un contexte de déplétion pétrolière officiel, Joe Biden est le premier président démocrate ayant compris l’importance d’une révolution dans le domaine du nucléaire civil pour décarboner son économie. Les projets ne manquent pas : remplacement des gros générateurs diesel, propulsion marine, électricité pilotable décentralisée sous forme de ferme de petits réacteurs. Son plan pour le climat, de 2 Trillions de Dollars, développera conjointement les énergies renouvelables et le nouveau nucléaire, qui connaît une véritable révolution écologique, technologique, et économique. Les SMR’s (Small Modular Reactors) sont nés, et sur le point de révolutionner l’industrie électrique.
Face à la montée en puissance de la Chine dans le domaine du nucléaire civil, la course à l’électricité décarbonée et bon marché a commencé, et une compétition sans merci est en train de s’ouvrir entre les deux géants. La production d’électricité décarbonée « à la demande » est une priorité des équipes démocrates. Ils vont fortement accélérer le développement des piles SMR (Small Modular Reactors), dans le cadre de soutiens très forts aux start-ups, dans un partenariat public privé sur le modèle de Space X.
Ces nouvelle piles, autonomes en énergie pendant plusieurs années, sont nées. Il s’agit de tout petits réacteurs nucléaires de nouvelle génération qui permettent de produire de l’énergie décarbonée à la demande, tout en consommant 95% des déchets radioactifs (pour leur version surgénérateurs : à sodium, ou leur version plus compétitive, à sels fondus). Leur sécurité passive les rend déployables et compétitifs, ce qui ouvre la voie vers une décarbonation quasi-totale de l’économie.
Les piles atomiques vont supplanter les piles chimiques dans leur utilisation dans les réseaux électriques. Au lieu d’opérer à l’échelle moléculaire pour stocker l’énergie chimique, ils produisent à l’échelle atomique, ce qui les rend 50 millions de fois plus denses en énergie par Kilo que les piles Li-Ion. Qui plus est, les piles atomiques produisent à la demande, 365 jours par an, pendant 10 ans, sans avoir besoin d’être rechargées.
La densité des versions chimiques des batteries est si basse qu’il faudrait par exemple plusieurs millions de Gigafactories TESLA pour stocker assez d’énergie chimique pour obtenir une stabilité des réseaux électriques pendant une saison. Les engins de chantier, la marine, l’aviation, l’industrie manufacturière, les mines, et le stockage d’électricité à la taille des réseaux nationaux, restent largement inaccessibles du fait des limites théoriques des réactions chimiques moléculaires.
La petite taille (les modules passent sur un camion) permettra une production en série. La baisse des coûts de production issue des volumes, que nous avons pu observer pour le marché des batteries chimiques, ou des fermes éoliennes, va se reproduire dans le domaine des fermes de piles SMR.
Les SMR’s traitent le problème du CO2 à la source. La plupart des politiques écologiques actuelles se focalisent sur la réduction de la consommation de système, en améliorant l’efficacité, ou en déplaçant l’émission, sans vraiment traiter la machine thermique qu’il y a derrière. Réduire ne veut pas dire remplacer, c’est en fait la faille principale de nos actions de décarbonation actuelles.
Ici, il s’agit de pouvoir remplacer de façon compétitive presque l’ensemble de nos machines à combustion !
Grâce à la production de chaleur primaire à haute température, ces micro-chaudières à fission vont enfin permettre de transformer le moteur même de notre appareil industriel. N’oublions pas que la chaleur industrielle et résidentielle représente plus de 50% de l’énergie primaire consommée dans le monde et reste la base de presque toutes les applications. La production abondante de chaleur permettra de remplacer les applications « fours » où le gaz et le fioul règnent en maître. De plus, la cogénération d’électricité et de chaleur permettra d’utiliser toute l’énergie générée par ces piles, sans en perdre une miette et de remplacer le gaz et le charbon pour la production du socle mondial d’électricité « à la demande ».
En effet, leur sécurité passive va permettre de les localiser plus près des centres de consommation (industries semiconducteurs, industrie lourde, mines, villes…), ce qui permettra des circuits courts de distribution d’électricité et de chaleur. En effet, la plupart des concepts sont enterrés, ils pourront permettre une sécurité intrinsèque et passive, même en cas de guerre ou de séisme.
La fabrication de carburants synthétiques et décarbonés va pouvoir devenir rentable grâce à la production native de chaleur à haute température : l’hydrogène, mais aussi l’ammoniac et l’hydrazine pour embarquer plus d’énergie par kilogramme pour les applications de mobilité nécessitant beaucoup d’autonomie (engins de chantier, aviation…), tout cela, sans libérer un gramme de CO2.
L’avantage écologique des SMR’s de nouvelle génération est tout simplement fantastique. Ils permettent d’atteindre un niveau d’économie circulaire inatteignable autrement : 1000 fois moins de métaux utilisés par joule décarboné produit, des circuits courts de distribution d’énergie, une réutilisation des déchets nucléaires accumulés depuis des années, 1000 fois moins de terres arables mobilisées par joule produit, 70 joules décarbonés produit pour un joule carboné investi, soit un rendement énergétique au moins 3 fois supérieur au pétrole !
Ce n’est pas de la science-fiction. Les prototypes existent, les designs sont prêts, les milliards commencent à affluer, notamment en Chine et aux Etats-Unis. Il ne manque qu’une volonté politique de créer les nouveaux standards accélérant la commercialisation. Avec une volonté politique de fer pour le climat, et avec les techniques de simulation actuelles, c’est bien plus facile que d’aller sur la lune en 1969 !
Ce moment est arrivé.
Joe Biden a prévu de mettre 2000 milliards de dollars pour le climat, et il a clairement affiché pendant sa campagne son fort soutien pour accélérer le planning de lancement des piles SMR. Une vingtaine de start-ups américaines font la course à l’homologation et certaines ont déjà validé leur design par les autorités de sûreté américaines (Nuscale) et d’autres sont bien avancés pour l’obtenir grâce à des procédures accélérées par le Department of Energy (USNC, X-Energy, Natrium, Oklo, Terrestrial Energy). La Chine et la Russie ne sont pas en reste, avec des concepts dédiés pour brûler les déchets nucléaires existants (Réacteurs à sels fondus), d’autres pour produire de l’électricité dans les ports (SMR sur barge), et enfin des modèles pour produire de la chaleur pour les villes et l’industrie, des version miniatures pour remplacer les gros générateur diesel (sodium , hélium, ou sels fondus), et enfin des modèles pour la propulsion pour la marine marchande (réacteurs à sels fondus).
La course à l’énergie décarbonée disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours par an, ne fait que commencer, et elle devient si stratégique qu’elle va s’accélérer et s’amplifier tout au long de la décennie, pour un début de substitution des machines à combustion dès 2028.
Cette course est une fantastique opportunité pour relever le plus grand défi de l’humanité : se passer de presque toutes les machines à combustion carbonées. Comme toute combustion est une séquestration du carbone ratée, toute machine à combustion finira par être remplacée, c’est inéluctable pour stabiliser le climat et dans l’intérêt des pauvres et des puissants de ce monde.
Relancer l’économie par « plus de pétrole » serait totalement anachronique, car le feu, qu’elle qu’en soit sa forme, est devenu totalement obsolète, ringard, et dangereux : plus personne ne veut des 7 millions de morts par an causés par le pétrole et le charbon (*).
Les piles SMR sonnent le glas de l’âge du feu. Il ne s’agit pas de marcher sur la Lune, mais de remarcher sur Terre. C’est un petit pas pour l’Homme, mais un grand pas pour la Planète.
« Les faits changent, je change. Et vous ? » JM. Keynes.
Nicolas Breyton
* Données OMS